Crise sanitaire :

Récit d’une entreprise de la sphère de la santé en période de crise sanitaire.

Face à la crise sanitaire liée au Covid-19, Gesnord s'active. Créée en 2004, l'entreprise de télésecrétariat à destination des professionnels de la santé anime une communauté de plus de 300 cabinets médicaux du Nord et du Pas-de-Calais. Gesnord gère leurs agendas et les appels des patients. Les collaboratrices de l'entreprise gèrent près de 900 000 appels par an, se relaient six jour sur sept, entre 7h et 19h, pour répondre aux besoins de la patientèle et répartir la demande de soin, rassurer les malades, mais aussi prendre en charge les patients sortant d'hospitalisation. L’entreprise structure la coopération interne et externe des services hospitaliers depuis la diversification des services avec l'économie de la fonctionnalité et de la coopération, en intervenant sur des missions de consultant.

« Nous sommes en guerre ». Ce Lundi 16 Mars 2020 à 20h, le Président de la République sonne la « mobilisation générale » face au coronavirus. Forcément, pour l’entreprise Gesnord, notre emblématique centre d’appel et de télésecrétariat pour cabinets médicaux, qui avec l’économie de la fonctionnalité et de la coopération œuvre à améliorer la qualité de vie au travail des médecins et faciliter l’accès aux soins des patients, la période est rude et l’on enfile solidement les casques. 

Dès lors Mohamed El Manani et son épouse, tous deux à l’initiative de Gesnord, ont réalisé la gravité de la situation, que nous étions face à une pandémie. C’est-à-dire à la fois un risque élevé pour les 300 médecins suivis par l’entreprise, mais aussi pour les salariés de l’entreprise.

L’entreprise a relevé le défi de mettre en place le Télétravail pour l’ensemble de l’équipe et une réorganisation des accueils patients dans les cabinets médicaux. L’objectif est de limiter la propagation et la contagion des médecins qui ont choisi la solution de Gesnord. Un seul patient à la fois en salle d’attente, un questionnaire et l’obligation d’apporter un motif sur l’agenda de rendez-vous du client, la réorganisation des rendez-vous implique une charge de travail considérable. Elle laisse peu d’espace pour satisfaire le sommeil.

Lundi matin à 7h00, l’ensemble de l’équipe Gesnord, en majorité composée de collaboratrices formées 400h au télésecrétariat médical et à l’accueil téléphonique, arrive au bureau. Elles demandent un droit de retrait, parce qu’une de leur collègue a toussé toute la matinée de samedi. Comme partout en France, une forme de panique se diffuse bien plus vite que le virus lui-même. 

Après avoir contacter des médecins pour qu’ils confirment qu’un virus ne peut pas rester 48h dans l’air ambiant, à 8h30, finalement rassurée, l’équipe reprend le travail. Jusqu’à 19h30 le téléphone n’a pas cessé une seule seconde de sonner.

Comment garder le moral quand on imagine de façon tout à fait rationnelle que les standards ne sont pas près d’arrêter de s’affoler. Nous ne sommes qu’aux prémices de cette période de crise. C’est aussi pour cette raison que les rares rayons de soleil semblent offrir une bien plus grande chaleur que d’habitude. Ces rayons arriveront en fin de journée, lorsque deux anciennes salariées de Gesnord ont contacté l’entreprise pour proposer leurs aides durant la période qui s’annonce. L’être Humain est surprenant, sa solidarité est rayonnante.

Dans un premier temps, il fallut concevoir un processus pour absorber les flux de demande d’accès au soin et pouvoir orienter ceux qui été suspecter d’avoir le virus à des créneaux particuliers et les autres, à d’autres créneaux. Gesnord a travaillé avec ses médecins sur ce sujet pendant la semaine du début confinement. En parallèle Mohamed El Manani travaillait sur une solution technique via la téléconsultation pour que les médecins puissent continuer leur travail eux-aussi, à distance. Une coopération précieuse a vu le jour avec la plateforme Maiia.

 

Dans le travail : un débordement à gérer

Sur le Front, l’équipe vit une expérience à la fois étrange et exceptionnelle. Evidemment, débordés d’appels de nombreux patients, de demandes de réorganisations des plannings des médecins, Gesnord est sous pression. Il leur faut rassurer la patientèle au téléphone, à la fois pour l’accès aux masques, mais aussi pour bien d’autres problématiques liées à la logistique, la prévention et donc, sur un périmètre qui déborde de son champ d’activité. Il n’y a pas de référentiel de ce qu’il convient de faire, il leur faut s’adapter quotidiennement.

 

Sur le territoire : formuler une réaction commune

Par la suite, l’entreprise fut sollicitée par l’initiative des masques en nord. Il s’agit d’une initiative d’acteurs du Nord qui souhaitent, sous le contrôle du CHU de Lille, faire leur part en mettant en place une solution co-construite de fabrication et de distribution de masques tissus, lavables et réutilisables, à destination des soignants. Martin Breuvart, dirigeant de l’entreprise textile Lemahieu et à l’initiative des masques en nord (avec 15000 couturières bénévoles) a monté un kit de masque de protection avec le CHU de Lille. Il leur fallait maintenant se déployer sur les Hauts-de-France et donc, monter un projet pour fournir des masques sur le territoire

Le Club Noé, ayant de nombreux adhérents avec des complémentarités et compétences diverses, a réuni en 3 jours une équipe avec, à la fois des acteurs du secteur public et du privé, du conseil régional comme d’entreprises divers, du digital ou de la médiation sociale, des professionnels du CHU de Lille. En une semaine, ils ont pu monter à la fois la partie opérationnelle, à savoir la partie logistique et informatique pour pouvoir gérer tout cela, mais aussi pu répondre à une question cruciale : comment pouvoir sécuriser les bénévoles, les gens qui vont distribuer les masques et les bénéficiaires qui vont venir les chercher. Tout un écosystème de coopération territoriale s’active.

 

Le Club Noé : un espace de coopération

« Le fait qu’on soit dans le Club Noé, témoigne Mohamed El Manani, qu’on soit connu des institutionnels, que l’on est un écosystème qui coopère déjà, qui se connait, qui a su développer des rapports de confiance bien avant cet épisode, avec lequel on échange des bonnes pratiques entre dirigeants, a été déterminant. La coopération avec cet écosystème d’acteurs, on le travail depuis des années avec le Club Noé. On avait déjà les conditions pour travailler ensemble. L’esprit de l’économie de la fonctionnalité a pour une partie forgée depuis plusieurs années dans notre logiciel mental, on a développé cette capacité à réagir ensemble. »

 

Modèle économique : des leçons à tirer

« Ayant eu 80 % de mes professionnels qui ont arrêté leur activité, à savoir qu’un cardiologue on en trouve plus, un dentiste c’est quasiment impossible d’en trouver depuis un mois, pourtant les problèmes de dents ne se sont pas arrêtés avec l’épidémie, les impacts seront inévitables. Tous les effets collatéraux de cette crise sont immenses et on va les payer. Ce parce que les gens n’osent plus se déplacer, n’osent pas aller chez le médecin depuis le début du confinement. Cela doit nous permettre de repenser les choses à l’échelle public et privé sur un territoire, que ça ne soit plus jamais l’un sans l’autre, que l’on change un peu la façon dont chacun peut se regarder ».

Comme pour toutes activités, les crises que nous traversons doivent nous permettre de repenser nos modes d’organisation, de production, de développement, de coopération, de vie en société. L’économie de la fonctionnalité et de la coopération, en ce qu’elle a de disruptive avec le monde d’hier, en ce qu’elle permet de co-construire ensemble, doit permettre d’agir.