Depuis un article de presse publié le 3 Septembre 2018 sur le site de Mediapart, plusieurs acteurs des territoires et de l’écosystème du Club Noé proposent un programme commun de transformation de notre société. «C’est aux échelles territoriales que cela se joue. C’est dans les entreprises, dans les collectivités, dans les organisations, et dans les formes de reconnaissance du travail qui les soutiennent, forme de travail salarié ou citoyen, que cela s’organise».
Nicolas Hulot a démissionné du gouvernement, tirant leçon de son impuissance malgré ses efforts à engager le pays sur une autre trajectoire que celle, actuelle, qui nous conduit dans le mur. « On ne peut mener une politique néo-libérale de croissance et prétendre faire face aux enjeux de dégradation de la vie sur Terre ! »
Il pose la question du modèle économique durable et pointe la responsabilité des lobbys qui agissent dans le sens d’intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général. Il prône un sursaut collectif et nous renvoie à nos « contradictions », nous qui, aspirant à un autre projet de développement, ne sommes pas collectivement « à la hauteur » des enjeux.
Les bouleversements écologiques planétaires (effondrement de la biodiversité, dérèglements climatiques, prédation de ressources, généralisation des déchets, urbanisation et artificialisation des sols) et la perte de « sens du travail » exigent l’avènement et la généralisation d’un autre modèle de développement, en rupture avec le modèle actuel.
L’organisation d’une « communauté de pensée et d’action » qui prenne appui sur de nouveaux modèles économiques est une nécessité vitale. Elle nous prépare dès maintenant aux chocs à venir et nous engage pleinement dans la transition écologique et sociale.
D’autres l’ont affirmé et nous partageons ici cet appel pour leur faire écho, mais surtout pour amplifier et accélérer le mouvement.
C’est un enjeu de survie. Un enjeu politique au sens le plus noble qui soit. Il faut changer de regard, reconsidérer notre rapport à la Terre, à la richesse, aux rapports sociaux de production, au travail, à la finance, aux institutions et à nous-mêmes.
C’est une révolution mais elle peut être joyeuse, fédératrice, c’est en tout cas l’expérience qu’on en retire, nous qui avons déjà emprunté cet autre chemin. Un chemin qui conduit à une augmentation significative des ressources humaines et immatérielles : confiance, bien vivre, cohésion… C’est ce que nous expérimentons dans nos entreprises communes. C’est ce qui ressort des évaluations qui s’intéressent à nos réalisations.
Nicolas Hulot invite à « une profonde introspection » c’est-à-dire une remobilisation de la subjectivité de chacun, dans sa vie, dans les diverses formes d’engagement, afin d’inventer ce qu’il appelle « une société écologique », c’est-à-dire une forme plurielle d’organisation collective qui réponde à nos besoins mais aussi aux nouvelles questions qui surgissent en ce siècle.
Si le rang de Ministre d’Etat ne suffit pas, à quel niveau agir ?
La transformation est systémique. Elle se joue à plusieurs niveaux. Il n’est pas tenable d’agir pour l’écologie et de rester « en même temps » dans un modèle néolibéral. La fameuse « ligne de crête » dont parle Emmanuel Macron est en réalité un équilibre complexe entre de nombreux verrous qu’il nous faut faire sauter ensemble, en impliquant chacun, pour refonder le modèle. La « cordée », qu’il invoque tant, n’est pas verticale, nous hissant au sommet. Elle est horizontale et nous relie au sol. Les premiers de cordée finiront eux-aussi par tomber si l’on ne change pas de vision.
Où agir précisément pour éviter la chute ?
Notre conviction : c’est aux échelles territoriales que cela se joue, à l’endroit exact où s’articulent les questions globales, planétaires, de la société-monde, et où se structurent les réponses locales, concrètes, participatives et opérationnelles aux enjeux quotidiens.
C’est dans les entreprises, dans les collectivités, dans les organisations, et dans les formes de reconnaissance du travail qui les soutiennent – forme de travail salarié ou citoyen – que cela s’organise.
Voilà ce que nous retenons du dernier geste du Ministre d’Etat : la puissance d’agir ne viendra pas d’en haut, ni seulement d’en bas. Elle viendra de notre coopération et de cette capacité qu’on aura à la faire vivre dans un « rapport au réel », c’est-à-dire dans un rapport au « territoire – projet ».
Résister aux tendances lourdes du modèle économique dominant revient à sortir des logiques de concurrence, à casser les logiques en silo, à soutenir les formes de reconnaissance du travail, et à nouer de nouvelles alliances, agiles et solides à la fois.
Résister exige de lancer une « nouvelle dynamique politique » qui agisse avec comme principal levier la transformation écologique et sociale de notre modèle économique.
Résister requiert d’organiser et accompagner ce que nous appelons des « écosystèmes coopératifs territorialisés », où les modèles alimentaire, énergétique et démocratique se réinventent et se nourrissent.
C’est tout le sens du projet de mise en commun des « méthodes respectives de conduite du changement des villes et territoires pilotes de la transition ». Un projet expérimental soutenu par un Etat facilitateur.
Nous, acteurs et chercheurs de terrain, agissant pour la transformation de nos territoires et de nos organisations, expérimentant de nouveaux modèles économiques, partageons nos retours d’expérience et écrivons ainsi, avec son appui, un référentiel du « pourquoi ça marche ? »
Notre ambition : identifier les « invariants » dans les méthodes de ces villes pilotes, révéler les leviers systématiques, le « code source », qu’il faut pouvoir actionner pour mener une transition réussie ; en permettre l’appropriation en vue d’une généralisation. C’est peut-être facile à écrire mais c’est beaucoup plus difficile à tenir car la traduction opérationnelle de ces leviers est différente à chaque fois. Elle est propre aux territoires où elles s’emploient. Voilà notre exigence.
C’est le sens de notre coopération au sein d’un Institut Européen qui nous offre un cadre propice pour cela. C’est le sens de notre appel ici à rejoindre cette démarche et à coopérer pour avancer et accélérer ensemble.
Nous sommes dans une course contre la montre ! Mais c’est aussi une course de fond.
A l’instar du Programme du Conseil National de la Résistance, élaboré de manière transpartisane dans un temps de très grand bouleversement, nous clamons l’urgence d’élaborer, notamment à partir de ce référentiel, un Programme Commun de la Résilience.
Un programme opérationnel, qui serve de boussole et permette d’asseoir les bases d’un modèle durable de développement qui anticipe les chocs à venir et prenne en charge les urgences sociales et écologiques.
La consolidation de nos expérimentations, la formalisation et le partage de nos méthodologies d’action, l’identification de ce qui leur est commun, bref ce travail de positionnement et de partage d’un « référentiel de la conduite du changement vers le développement durable » sera notre contribution.
Premiers signataires :
Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle et Président du Cd2e
Christian du Tertre, Président de l’IE-EFC et directeur scientifique d’Atemis
Guillaume Coutey, maire de Malaunay
Jacky Aignel, maire du Mené, leurs collaborateurs et partenaires territoriaux, les membres, entrepreneurs et chercheurs de l’IE-EFC
Dominique Bourg, professeur d’université
www.ieefc.eu, leurs collaborateurs et partenaires territoriaux, les membres, entrepreneurs et chercheurs de l’IE-EFC…
Crédit photo : BFM TV
Article paru sur Medipart (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/030918/un-appel-la-resilience)