Prendre un temps réflexif consiste à partir collectivement d’une situation, à prendre un temps d’analyse sur celle-ci. Prenons par exemple la situation de l’entreprise Flex’ink, cette imprimerie engagée dans l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, adhérente du Club Noé, qui accompagne ses clients dans leurs projets d’impression, bien au-delà du simple traitement des commandes qu’on lui attribut.
Dans une logique réflexive, le dirigeant de l’imprimerie a pu réunir autour d’une table un ancien client, dirigeant de l’entreprise Z, ayant passé une commande de 3000 plaquettes commerciales il y a un an. Sont conviés égalemment les commerciaux de cette entreprise. Ensemble, il est question de revenir sur les usages de la commandes précédentes, en suivant la logique du « poulet rôti » (schéma ci-dessous).
Prenez un temps collectif pour évaluer les effets qui ont été produit par cette situation de travail. Tant positivement, comme la satisfaction du prix par unité de document, dû à la commande d’une très grosse quantité de plaquettes, ou négativement, comme le fait qu’à peine la moitié des documents ont été distribués et que le reste fut jeté.
Mettez-vous d’accord sur ce qui a été produit collectivement et individuellement, sur ce que cela a demandé comme travail, ce qui a pu compliquer les choses ou les faciliter. De la sorte on comprend que le fait d’imprimer des grosses quantités à l’avance n’est pas pertinent au regard d’une campagne de distribution qui va durer dans le temps. Ce face aux risques d’épuisement de la plaquette pour les commerciaux, qui lors de ce premier temps réflexif révéleront que le contenu de la plaquette n’est plus pertinent étant donné les évolution de leurs offres, ou qu’ils s’en sont tout simplement lassés. On comprendra également que le client n’avait pas acheté cette grande quantité d’impression parce qu’il en avait besoin, mais parce qu’on l’avait poussé à le faire par l’attrait d’un coût unitaire réduit sur la commande d’un gros volume.
Une fois que l’analyse de cette situation aboutie, l’enjeu est de favoriser une démarche de professionnalisation. En revenant sur ce que l’organisation du travail produit réellement, ce qu’elle a demandé, on arrive à en dégager un certain nombre de règles professionnelles : comme la nécessité pour l’imprimeur de devoir questionner la quantité réellement nécessaire lors d’une prochaine commande. Plus encore, se confronter aux limites de son modèle traditionnel lui permettra de formaliser un mode d’organisation qui serait plus favorable pour rendre son offre pertinente, comme la vente de documents imprimables et non plus imprimés, par le biais d’une plateforme où l’on achète des crédit d’impression, par laquelle ce client va pouvoir modifier son document dans le temps et l’imprimer en petite quantité, aux moments où il en a vraiment besoin (salon, semaine de rendez-vous commercial…).
Du coup, on s’organise différemment, on se remobilise, autrement. L’imprimeur devient accompagnateur de projet d’impression. Ce troisième enjeu dans le processus de réflexivité, c’est l’innovation. Après avoir fait l’exercice du poulet rôti, il s’agit de capitaliser et tirer des leçons, intégrer pleinement les contraintes des uns et des autres dans son propre travail. Il s’agit dés lors de profiter des conclusions de l’observation du réel pour tendre ensemble, par l’analyse de l’activité de travail, vers un développement plus durable, des relations plus saines puisque centrées sur les effets utiles de ce qui est produit, non plus en termes de volumes, non plus dans un inévitable rapport de force.
Le but n’est pas en soi de faire de la réflexivité mais d’adopter un mode d’organisation réflexif. Ce n’est même pas quelque chose qui doit être ponctuel, mais quelque chose de structurel dans l’organisation. Dans la doctrine de l’EFC, on estime que ça doit être à peut prêt 20% du temps de travail qui doit être consacré à la réflexivité, en interne comme en externe, avec les clients, les partenaires.
C’est aussi là l’intérêt des clubs de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, qui à la fois sont garants de la coopération, peuvent jouer le rôle d’animateur de séances de réflexivité au sein des entreprises, mais qui surtout, impulsent des espaces de travail réflexifs rassemblant dirigeants, collectivités, consultants et chercheurs, regroupés par sphère fonctionnelle (Habiter, Manger …) ou par territoire. Au travers de ces groupes de travail, ces acteurs économiques pensent collectivement des solutions communes face aux effets utiles qui les rassemblent et où ils semblent complémentaires.